VOYAGER À VÉLO EN AMÉRIQUE DU SUD
LES AVENTURES PLEINES DE REBONDISSEMENTS DE VANESSA
Publié le 12/09/2020
Vanessa ne faisait du vélo que de temps en temps avant de partir en Amérique du Sud. Elle a finalement décidé de voyager à vélo pendant 11 mois non-stop, de la Colombie jusqu'en Patagonie. La magie du voyage, des rencontres et des imprévus !
Vanessa anime des conférences de retour d'expérience sur son voyage à vélo. Vous souhaitez être tenu.e informé.e des dates ou lui proposer de venir intervenir dans votre ville ? Suivez-la et écrivez-lui sur son Instagram ou son Facebook.
Peux-tu te présenter rapidement ?
Je m’appelle Vanessa, j’ai 32 ans, je suis urbaniste mais ce qui me définit le plus aujourd’hui c’est que je suis voyageuse et activiste contre le changement climatique.
Où es-tu en ce moment et pourquoi tu as décidé de faire ce voyage ?
Je suis tout juste rentrée d'Argentine. J’ai commencé ce voyage en octobre 2018, initialement pour 6 mois en sac à dos. Je venais de fêter mes 30 ans à ce moment-là et j’étais dans une phase où j’avais besoin de me recentrer, je ressentais une perte de sens dans mon travail, je me posais beaucoup de questions sur l’avenir et me demandais comment donner du sens et surtout de l’impact à mon activité professionnelle et à ma vie en général. J’ai donc eu le besoin de prendre du recul, d’aller m’inspirer ailleurs.
L’Amérique Latine m’attirait depuis longtemps. Je suis alors partie voyager, m’ouvrir l’esprit et, par la même occasion, j’ai découvert des initiatives en rapport avec l’écologie, le changement climatique et les modes de vie alternatifs.
Pourquoi faire ce voyage à vélo ?
Quand je suis partie de France, je n’avais aucune idée que j’allais voyager à vélo et encore moins pendant une aussi longue période. La magie du voyage…
Je suis tout d’abord arrivée à Cuzco où j’ai découvert le projet Wasicleta qui promeut l’usage du vélo dans la ville. Je leur ai proposé mon aide pour la gestion de leurs réseaux sociaux et l’organisation d’évènements pendant 10 jours.
Finalement trois mois après j’étais encore là-bas et pendant cette période j’ai découvert le forum mondial du vélo qui avait lieu en avril 2019. J’ai postulé pour participer et faire une conférence, j’ai été accepté.
J’ai donc fait mon voyage prévu initialement : le nord du Pérou, l’Équateur et la Colombie en sac à dos pendant les trois mois suivants. C’est en Colombie que j’ai décidé d’acheter mon vélo car je trouvais ça chouette d’arriver à vélo au Forum mondial du Vélo à Quito pour présenter ma conférence.
Loin de moi l’idée de voyager à vélo jusqu’à Ushuaia… Vraiment le vélo ne faisait pas partie de mon projet de voyage à la base. Cependant cette première expérience à Cuzco m’a donné envie de faire ce périple à vélo de deux mois maximums en Équateur avant de rentrer en France.
Encore une fois, la magie du voyage et des rencontres a refaçonné un nouveau plan pour moi. À la frontière entre la Colombie et l’Équateur, j’ai rencontré deux mexicains, une maman et son fils de 12 ans, Tata et Toti, qui voyageaient du Mexique jusqu’à Ushuaia à vélo. Nous avons partagé la route pendant une semaine jusqu’au Forum mondial du vélo.
Nous nous sommes tellement bien entendu qu’on a décidé de continuer la route ensemble pendant deux mois.
Mon vol retour pour la France partait de Colombie donc j’avais cette deadline et, en tant que française, je voulais suivre les plans que je m’étais fixé. Nous nous sommes donc dit au revoir après ces deux mois incroyables.
Trois jours seulement après les avoir quittés, après avoir beaucoup pleuré, m'être posée de nombreuses questions, et avoir senti une pression incompréhensible, je les ai rappelé pour leur annoncer que j’annulais mon retour en France et que je continuais de voyager à vélo avec eux jusqu’à Ushuaia.
Et finalement la pression a disparu instantanément, j’étais de suite soulagée et je savais que j’avais eu raison d’écouter mon cœur et mon corps et de continuer la route.
À savoir que j’aimais faire du vélo avant mais je pédalais pendant maximum 30 min avant quand je me déplaçais dans ma ville, à Lyon.
Finalement, après 6 mois de voyage classique en sac à dos, je me suis retrouvée à voyager à vélo pendant 9 mois avec trois autres personnes (les deux mexicains et un colombien) puis j’ai fini le périple avec deux derniers mois de voyage à vélo solo qui a parfaitement complété cette expérience incroyable.
Comment ta famille a réagi quand tu leur as annoncé ton départ ?
Le combo voyage + femme seule + sac à dos + Amérique Latine a pas mal préoccupé mes proches, surtout mon père. Ma mère a été très enthousiaste dès le début car elle sentait que ce voyage me correspondait vraiment.
Quand je leur ai annoncé depuis l’étranger que j’allais continuer de voyager à vélo, on a augmenté d’un cran en termes de préoccupations avec les potentiels dangers de la route mais je ne l’ai pas trop perçu car j’étais déjà loin.
J’ai surtout senti de l’appui et de la curiosité quant à l’organisation de ce voyage à vélo. Enfin, quand j’ai annoncé que je ne rentrais pas en France mais que je continuais le voyage à vélo jusqu’à Ushuaia, ils se sont demandé si j’allais pouvoir me réadapter à la vie sédentaire française après une telle aventure.
Ma mère n’était pas vraiment étonnée finalement, elle savait depuis le début que je ne rentrerais pas après 6 mois et elle m’a dit cette phrase qui m’a beaucoup touché : « j’ai l’impression que tu deviens finalement la femme que tu as toujours été mais que tu n’arrivais pas à révéler ». Comme quoi il faut suivre son intuition !
Quel est ton meilleur souvenir de ce voyage jusqu’à maintenant ?
Quelle question difficile ! J’ai appris quelque chose que je savais depuis longtemps mais qui a été particulièrement frappant pendant ce voyage : il y a un ou mille bons souvenirs par jour.
C’est pour ça que j’écris mes 3 kifs du jour sur un carnet régulièrement parce qu’en fait tous les jours c’est l’occasion d’un meilleur souvenir !
Je vais donc te raconter trois meilleurs souvenirs de ce voyage !
Au Pérou
Dans un tout petit village de seulement 6 habitants sans eau courante ni électricité, nous nous sommes baignés dans la rivière, nous avons cuisiné au feu de bois avec mes compagnons de voyage puis, après dîner, nous nous sommes allongés sur la route principale pour admirer les étoiles.
Je n’ai jamais vu autant d’étoiles de ma vie ! Nous avons même fait un vœu après avoir vu une étoile filante. Un moment fort !
Dans le Salar d’Uyuni en Bolivie
J'y ai vécu une expérience qui m’a permis de passer un cap. La tradition pour les voyageurs à vélo est de prendre une photo nue avec son vélo dans le désert de sel.
Moi je suis très complexée depuis mon adolescence. Mes compagnons de route étaient très décontractés avec cela, moi pas du tout, ça m’angoissait. Non pas pour le regard des autres sur mon corps, mais plutôt mon regard à moi sur moi-même.
Finalement, j’ai décidé de le faire pour passer cette étape et laisser cela derrière moi. Je l’ai fait mais en plus j’ai réussi à prendre plaisir et à m’amuser, nue avec 3 personnes devant moi.
Je n’en revenais pas. Un pas de plus vers l’acceptation de mon corps !
Au Chili
Enfin, un autre moment très intense sur un chemin de randonnée dans le parc national Torres del Paine. Cela faisait un mois et demi que je voyageais seule à ce moment-là car nous avions pris un chemin différent avec mes compagnons de voyage.
Je suis partie marcher quelques instants et je me suis finalement retrouvée en sanglots. J’ai réalisé que j’étais à moins de 1000 kilomètres de mon objectif, Ushuaia. Face à l’immensité des paysages, j’ai ressenti énormément de reconnaissance pour tout ce que j’avais traversé pendant ce voyage.
Tellement de personnes m’ont aidé, ce voyage n’aurait clairement pas été possible sans ces personnes-là, que ce soient les personnes qui m’ont encouragé, les inconnus qui m’ont donné des fruits sur la route, ceux qui ont pédalé avec moi, qui m’ont hébergé, etc. J’ai tellement reçu cette dernière année depuis que j'avais décidé de voyager à vélo que j’avais envie de donner à mon tour, je me sentais débordante d’amour.
C’est difficile à exprimer avec des mots mais c’était quelque chose que je ressentais au plus profond de moi.
Est-ce que tu as vécu une mauvaise expérience, un moment difficile à nous raconter ?
Aucune mauvaise rencontre, non. Des moments difficiles, oui ! Le voyage c’est comme la vie, il y a des moments géniaux mais il y a aussi beaucoup de moments difficiles. Ce n’est pas parce qu’on voyage que tout est parfait, il faut s’enlever cette pression des apparences !
De plus, le fait d’être en voyage augmente encore plus le delta des moments géniaux et des moments difficiles.
Voyager à vélo, c’est très difficile physiquement. Il y a des moments où tu n’en peux plus, t’es fatiguée, t’as envie de pleurer. Il suffit d’avoir le vent en contre et ça devient un cauchemar.
Le stress d’un parcours difficile, se demander si tu peux le faire, si tu ne prends pas de risques, si tu ne vas pas te blesser. Ce sont des moments difficiles, physiquement et émotionnellement, mais il faut le faire à son rythme et ça se passe bien.
Voyager à vélo au final t’enseigne à évaluer le moment présent ; quand c’est difficile, tu analyses et te demandes si tu es en danger. Si tu n’es pas en danger, ça va passer alors, c’est juste un moment à passer, et avec calme ça passe encore mieux !
L’expérience la plus difficile pendant ce voyage est probablement celle que je suis en train de vivre actuellement. J’étais à trois jours d’arriver à Ushuaia quand ils ont déclaré la quarantaine suite au Covid-19 en Terre du Feu (Argentine).
Pour ne pas me retrouvée isolée en Terre du Feu, j’ai donc décidé d’abandonner mon vélo et mon équipement pour voyager à Mendoza où une famille m’avait proposé de m’héberger avant qu’ils ne coupent les lignes aériennes.
Cela n’avait pas vraiment de sens de continuer le voyage dans ces conditions.
Quel est ton plus gros challenge lors de cette expérience ?
Lâcher prise ! En voyage à vélo, la plupart du temps, les choses sont ce qu’elles sont, c’est-à-dire que la route peut être vraiment difficile, il peut faire beau comme il peut faire froid, ou même pleuvoir et tu ne pas changer cela.
Accepter de ne pas avoir le contrôle dessus, d’avancer avec calme a été le plus difficile pour moi mais cela m’a permis d’apprendre beaucoup aussi.
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Comment tu t’en es sortie pour financer ce voyage ?
J’avais des économies pour mon voyage qui devait initialement durer 6 mois.
Il s’est avéré que ma manière de voyager a été extrêmement économique, d’autant plus que j’ai fait du volontariat les trois premiers mois du voyage. J’ai donc pu en profiter pendant 9 mois et acheter mon vélo et mon équipement avec ce budget initial.
À savoir que le voyage à vélo coûte très peu cher : en gros tu dépenses de l’argent pour manger et pour réparer ton vélo uniquement. Tous les trajets se font en vélo et je dormais sous ma tente ou bien chez des personnes qui m’hébergeaient.
Ensuite, j’ai travaillé sur la route : je racontais mon périple en vélo aux personnes sur les places des villages et leur proposais de m’aider en m’achetant un sticker ou une carte postale.
On a organisé des conférences sur le voyage à vélo dans les grosses villes sur le chemin.
J’ai également mis en place des ateliers sur la communication non-violente via mes contacts et dans des studios de yoga (une méthode d’écoute et de résolution de conflits que je pratiquais déjà depuis quelques années en France).
Qu’est-ce que tu as appris sur toi-même lors de cette expérience ?
Énormément de choses ! J’ai appris quelle était ma réaction face à l’effort, face à la fatigue, j’ai appris la vie en collectivité et la gestion de mes émotions. J’ai quand même partagé 9 mois de voyage avec la famille mexicaine, 24h/24, 7j/7.
Cependant, ce qui m’a le plus surpris, c’est quand je me suis retrouvée seule sur la route pour l’étape finale du voyage. J’ai réalisé que j’aimais être seule, à ma grande surprise car je me définissais comme quelqu’un d’hyper sociale avant, j’avais le besoin d’être constamment entourée.
Ça a été une révélation : j’ai besoin d’être toute seule par moment, d’avoir ces instants juste pour moi.
Est-ce que tu t’es sentie en danger ou seule à certains moments ?
Non jamais. Quelques fois je me suis fait des frayeurs sur la route à cause de camions dont la conduite peut être hostile avec les vélos.
Par contre, même si j’étais seule par moment, je n’ai jamais souffert de solitude. Au contraire, j’avais besoin d’être seule. Ma famille et mes amis m’ont manqué en revanche.
Bref, je ne me suis pas sentie seule, je me suis sentie loin. C’était difficile mais je savais pourquoi j’étais en train de vivre cette expérience et les coups de blues passaient.
Si tu devais recommencer, tu le ferais à nouveau ? Exactement pareil ou tu changerais quelques détails ?
Bien sûr que je recommencerais ! Je ne changerais rien du tout car c’est ce voyage-là qui m’a permis d’apprendre autant de choses, avec ces couacs et ses problèmes.
En revanche, pour mon prochain voyage à vélo, je travaillerais un peu plus le modèle économique un peu plus soutenable pour éviter le stress et la fatigue que ça peut provoquer.
Si tu devais nous donner un seul conseil avant de partir voyager seule, lequel serait-ce ?
Rester ouvert aux rencontres et suivre son instinct ! Ce sont les rencontres qui font les voyages et c’est à travers ces expériences que tu arrives à te découvrir toi-même.
Bravo Vanessa pour ce beau voyage mais je pense que de stress pour tes parents !!! Difficile d’imaginer ça pour moi ……
Bonne continuation